Troènes en péril

Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ne serait être que fortuite. ;-)



C'était un petit jardin.

Ça y est ! Nous sommes enfin devenus propriétaires de ce jardin bordant notre nouvelle demeure.
L'état de friche de celui-ci nous a été expliqué par notre nouveau voisin:
"Suite aux cent mètres de barefoot traîné par un scooter, la pauve mère, elle n'arrivait pu à s'en occuper ces dernières années."
Il ne tarda, par la même occasion à nous inciter à faire "une bonne taille bien sévère deu c'teu cochonnerie qui fait des p'ites boules qui tachent les pavés autobloquants"...
Tel Champollion nous déchiffrons qu'il veut nous sensibiliser aux désagréments causés par les baies de la haie de ligustrum sur son dallage.

Nous reportons avec diplomatie ces aménagements pour le printemps prochain car c'est vrai que nous sommes encore au milieu d'une partie frénétique de tétris grandeur nature avec quelques piles de cartons en attente dans toute la maison.

Quelques mois se sont écoulés, et nous trouvons enfin du premier coup les interrupteurs de toutes les pièces sans difficulté. Nous nous sentons enfin chez nous ou presque.
Le printemps monte en nous avec l'envie de gratter la terre.
Nous errons dans les allées des jardineries quitte à être dans le rouge en chauffant à blanc notre carte bleu.
Les pots sur le rebord des fenêtres ne nous apaisent plus.
C'est normal c'est la jardinite chronique.
Nous nous surprenons de plus en plus à ne pas rechigner à la vaisselle pour regarder le jardin au travers des carreaux embués de la cuisine, promesse de conquête de nouveaux espaces vierges.

Les plus fortunés feront appel à un paysagiste pour le gros du travail, les autres comme nous que nous dirons les courageux à défaut d'autre chose, déterrerons du fond de la cabane la bêche de la guerre...

Nous sommes un samedi matin, en tenue, bottes en caoutchouc, pantalon grungy de quand on était jeune et vieux tee-shirt sans âge. (Ah ! Non pas celui-ci j'y tiens, c'est celui que je portai sur scène avec le groupe. Y'en a pas un autre ?)
C'est l'heure, et tels des Attila du jardin nous nous lançons sans hésitation.
Chacun connait avec une précision chirurgicale sa tâche, l'opération tempête du jardin est lancée.

La première à avoir eu les racines à nu fut la vieille haie de troènes trop encombrante, ce geste symbolique nous garantissant ainsi de régler sans trop de violence un problème de voisinage.
Suivirent les bordures de buis qui rappelaient à mon épouse le jardin du presbytère qu'elle observait lors de ses interminables heures de catéchisme.
Il faudra aussi arracher tout ce lierre associé au souvenir du matin pluvieux de la Toussaint cadre de la visite annuelle de la tombe de la grand-mère Blanche qui en était entièrement recouverte.
Brrrr, sans plus tarder arrachons tout ça.

Tout ce passa comme prévu, une fois notre tâche accomplie, en regardant notre jardin nous avons eu une pensée émue pour les Poilus de quatorze et l'horreur que furent les tranchées.
Nous n'avons déploré que très peu de perte, hormis un groupe d'innocent narcisses emportées par une erreur de tir de bêche.
C'est moche, mais on ne fait pas de tranchée sans couper de vers de terre.
Nous avons donc décidé d'inhumer leurs dépouilles dans le bac à compost érigé en leur mémoire ainsi que celle de la plante inconnue qui fut pulvérisée sous la chute d'une branche.

Passons enfin à la reconstruction du jardin.
Comme la mode n'est plus aux thuyas nous opterons pour une haie de bambous.
Ce choix est appuyé par le paysagiste: "C'est un très bon choix, c'est très occultant, j'ai des sujets de grande taille" dit il en se frottant les mains.
C'est vrai que depuis l'incinération de feu les troènes nous nous sommes aperçus qu'il y avait derrière, les deux gros bidons blanc que le voisin utilise pour arroser son potager.
Nous avons donc hâte que les plantations commencent...

Le devis pour les bambous ne tarda pas.
Nous avons choisis l'option "sans barrière anti-rhizomes" car avec c'était "le coup de bambou".
Bien que le paysagiste nous ai prévenu de l'utilité de celle-ci avec insistance, qu'il en soit ainsi, les bambous sont enfin en place.

A suivre...

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